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LE MANOIR

sa femme habillée en paysanne, les cheveux en désordre, les yeux rouges d’avoir veillé et pleuré, la figure pâle comme un marbre blanc.

— Connaissez-vous cette femme ? dit le gouverneur d’une voix sourde et menaçante.

L’intendant baissa la tête comme un criminel qui attend sa sentence et en échappant à terre la coiffure qu’il tenait dans ses mains.

— Vous n’avez seulement pas le courage de me répondre, continua le gouverneur ; mais votre confusion m’en dit assez.

Joséphine, saisie de terreur, voyant son mari exposé au ressentiment du gouverneur, se jeta de nouveau à ses genoux en lui disant :

— Excellence, il est innocent… personne ne peut rien lui imputer…

— Eh quoi ! reprit le gouverneur, ne venez-vous pas de me dire que M. Hocquart…

— Moi, Excellence, interrompit Joséphine, l’ai-je dit ? Oh ! si je l’ai dit, je n’avais pas ma tête à moi.

— Femme, avez-vous voulu vous moquer de moi ? Quel motif vous a portée à jouer cette comédie, une comédie qui pourra finir par tourner au tragique pour vous ?

Au moment où le gouverneur courroucé prononçait ces paroles, le cœur de l’intendant se souleva contre lui-même. Il vit à quel degré d’avilissement il tomberait si, défendu par le dévouement de sa femme, il l’abandonnait au ressentiment du gouverneur justement indigné. Il releva la tête avec la dignité d’un homme d’honneur et allait avouer hautement son mariage, lorsque Deschesnaux, son mauvais génie, apparut tout à coup et se précipita avec un air hagard en demandant sa femme qui s’était échappée.

Joséphine, encore à genoux, se releva et, poussant un cri d’effroi, supplia le gouverneur de l’enfermer dans la plus étroite prison du pays.