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MYSTÉRIEUX
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lui retraçait sa triste pensée. Ce malaise du cœur, ces regrets qui nous entraînent encore à la poursuite d’une ombre, cet éternel retour vers un songe cruellement interrompu, c’est la faiblesse d’un caractère noble et généreux ; c’était celle de DuPlessis. Enfin, il sentit lui-même la nécessité de ne pas se laisser aller à ses douloureux souvenirs, et il sortit du parterre pour aller se joindre à la foule. Mais quand il entendit les cris joyeux qui retentissaient de toutes parts, il éprouva une invincible répugnance à se mêler à des gens dont les sentiments étaient si peu en harmonie avec les siens, et il résolut de se retirer dans sa chambre jusqu’à l’arrivée du gouverneur et de sa suite. Quelle ne fut pas sa surprise, en ouvrant la porte, d’apercevoir Joséphine. Cette dernière, de son côté, tressaillit et se leva à son approche, en disant :

M. DuPlessis, que venez-vous faire ici ?

— Mais vous-même, madame, comment y êtes-vous ? Venez-vous réclamer de moi un secours qui ne vous sera jamais refusé, s’il peut dépendre de mon bras ou de mon cœur ?

Elle garda un moment le silence, puis reprit :

— Les secours que votre dévouement pourrait m’offrir me seraient plus nuisibles qu’utiles. Croyez-moi, il y a ici quelqu’un que les lois divines et humaines obligent à me protéger.

— C’est vrai, dit DuPlessis, j’ai devant moi l’épouse de Deschesnaux…

— L’épouse de Deschesnaux ! interrompit-elle avec indignation. De quel infâme nom osez-vous déshonorer…

Elle hésita et resta muette, en se rappelant qu’elle ne pouvait trahir un secret duquel dépendaient la fortune et l’honneur de son mari. Ses yeux se remplirent de larmes. DuPlessis jeta sur elle un regard de douloureuse pitié et lui dit :