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MYSTÉRIEUX
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— Et, si vous oubliez de laisser le cheval et la voiture à l’auberge Lafrenière ? dit Santerre, dont le courage chancelait.

— Ma balle restera en gage chez Léandre Gravel. Elle est pleine de velours, de taffetas, de damas, de peluche, de gros de Naples, de brocart…

— Je veux perdre la tête, interrompit Santerre, s’il y a la moitié de ce que vous mentionnez. Mais vous m’affirmez que vous laisserez mon cheval et la voiture de M. Gélinas aux Trois-Rivières ?

— Je vous le promets, M. Santerre, et, là-dessus, je vous souhaite le bonjour et de joyeuses noces.

Santerre s’en retourna tout décontenancé, cherchant les excuses qu’il pourrait faire à sa fiancée.

En arrivant à la Pointe-du-Lac, nos deux voyageurs aperçurent à quelque distance en avant d’eux une troupe bruyante composée d’une quinzaine de personnes, les unes en voiture, d’autres à cheval, qui cheminaient dans la même direction. Taillefer apprit d’un homme qu’il rencontra, que c’étaient des comédiens de circonstance, exercés par maître Apollon Jacques, qui se rendaient aux Trois-Rivières pour divertir le gouverneur général et sa suite à l’occasion de sa visite à M. Bégon. Taillefer arrêta un peu plus loin à une maison, acheta des habits de paysan qu’il revêtit, et d’autres de paysanne qu’il engagea par un signe sa compagne de route à revêtir aussi. Puis il paya le garçon de la maison pour qu’il plaçât la calèche dans une remise, le cheval dans l’écurie, en le soignant bien, et que le soir, vers les huit heures, il allât à Yamachiche les livrer à M. Santerre, marchand.

— C’est parfait, dit le jeune Vincent, — tel était son nom, — je connais bien M. Santerre, c’est mon oncle.