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LE MANOIR

CHAPITRE XXII

UNE LETTRE


Les fêtes qui allaient avoir lieu aux Trois-Rivières à l’occasion de la visite du gouverneur et de la marquise, étaient alors le sujet de bien des conversations. Les uns prétendaient que M. de Beauharnais avant appris qu’il devait être rappelé en France, après près de vingt ans de service au Canada, avait à communiquer certains ordres et intentions de la cour à M. Bégon qu’ils s’attendaient à voir nommer gouverneur général en remplacement du marquis. D’autres pensaient, au contraire, que sa visite avait pour but de préparer M. Bégon à la nomination de M. Hocquart à la charge de gouverneur du Canada.

L’intendant, au milieu de ses prospérités, se sentait l’homme le plus malheureux du pays. Les conséquences de son mariage secret l’effrayaient, et c’était avec un sentiment d’aigreur contre l’infortunée Joséphine qu’il s’accusait de s’être mis dans l’impossibilité de tourner toutes les chances d’élévation en sa faveur.

— Chacun, disait-il à son conseiller intime, Deschesnaux, pense que je puis épouser Mlle de Beauharnais et par là m’assurer les honneurs et le pouvoir de gouverneur général du Canada, de premier représentant de Sa Majesté en ce pays. Pour saisir ce pouvoir attrayant, l’ambition des grands caractères, je n’aurais qu’à étendre la main ; mais hélas ! cette main est enchaînée ! Et c’est au moment où je sens plus vivement les sacrifices que j’ai faits à Joséphine, qu’elle m’accable de lettres pour être