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MYSTÉRIEUX
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— En doutez-vous, brave oncle ? Regardez donc ces pièces d’or. Je puis en avoir autant que vous avez de gouttes de vin dans votre maison. Écoutez, mon oncle, je vais vous dire un secret. Voyez-vous ce petit vieillard sec et ridé comme les copeaux dont le diable se sert pour allumer son feu ? Eh bien ! entre nous deux, il a le Pérou dans sa tête : par tous les massacres ! il sait faire l’or !

— Je ne veux pas de sa monnaie, Michel, je sais à quoi doivent s’attendre ceux qui contrefont la monnaie du roi.

— Vous êtes un âne, oncle Gravel ; vous aussi docteur, qui me tirez par mon habit, vous êtes un âne. Étant tous les deux des ânes… je parle par figure… Aussi, docteur, asseyez-vous, et si quelqu’un vous regarde, je le plonge dans les ténèbres extérieures. Oui, messieurs, personne ne doit regarder le docteur, c’est moi qui le dis.

Pendant ce temps, Théodorus s’était retiré dans un coin, et après avoir demandé et bu un verre de vin, il sembla s’assoupir. Quant à Michel, il continua à divaguer et à boire après avoir renouvelé connaissance avec le marchand d’Yamachiche.

— À ta santé, Michel, dit Santerre ; tu vas nous dire quelles sont les véritables modes[1] ; car il y avait ici, quand tu es entré, un imbécile de colporteur qui soutenait les bas d’Espagne contre ceux de Gascogne. Mais où est-il

  1. Jusqu’à l’établissement de la domination anglaise, le Canada consommait une quantité de marchandises de luxe importées, considérable eu égard au chiffre de sa population. Pendant un peu plus de trois quarts de siècle ensuite, les Canadiens-Français eurent des habitudes plus simples, puis leur goût pour le luxe reprit plus extravagant que jamais, et il est poussé si loin aujourd’hui que ceux qui s’intéressent à leur avenir comme race distincte appelée à jouer un rôle important, en sont justement alarmés.