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MYSTÉRIEUX
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que le reproche indirect qu’il venait de lui faire, l’avait blessé injustement, et il ajouta :

— Mon reproche s’adresse plutôt à M. Deschesnaux qu’à vous, M. l’intendant, bien qu’il eût été désirable que vous eussiez sur lui assez d’influence pour le dissuader de donner à l’excellente société de ce pays un exemple aussi peu digne d’être imité.

— Excellence, s’empressa de dire Deschesnaux, le seul coupable est votre serviteur : M. l’intendant ne savait rien de l’affaire jusqu’à dernièrement, et je ne saurais me flatter d’avoir reçu ses félicitations pour la manière dont je m’étais pris pour arriver à mon but.

— Je suis content de savoir cela, dit M. de Beauharnais, car il importe beaucoup au bonheur de ce pays que les grands n’encouragent d’aucune façon ce qui est répréhensible dans les habitudes et les mœurs. Ce que vous avez fait là, M. Deschesnaux, est mal, très mal. Mépriser l’autorité paternelle est une faute grave. C’est un funeste exemple que vous avez donné.

— Votre Excellence, répondit Deschesnaux hypocritement, peut être assurée que plus qu’aucun je sens aujourd’hui le poids de ma faute. Mais je n’y puis plus rien. Si quelque circonstance pouvait en atténuer la gravité aux yeux de Votre Excellence, je dirais que je n’avais pas d’autre alternative à prendre pour épouser celle que j’aimais et qui m’aimait au point de me conseiller elle-même…

Ici M. Hocquart se leva d’un air indigné comme pour apostropher vivement Deschesnaux, qui n’acheva pas la phrase par crainte de provoquer un démenti. Mais l’intendant, après un instant d’hésitation visible, se dirigea sans dire un mot vers la fenêtre et se mit à regarder dans le jardin, puis s’assit à l’écart. M. de Beauharnais interpréta ce mouvement à son avantage, en croyant que c’était une marque de désapprobation qui lui échap-