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LE MANOIR

tin, ils allèrent frapper à la porte de deux médecins, chez lesquels Taillefer acheta différentes poudres ; puis ils entrèrent dans la boutique d’un vieux brocanteur, qui tenait en même temps une espèce de magasin de drogues et d’essences. On ne l’avait jamais vu aller à l’église, ce qui était presque unique dans le pays à cette époque de foi. Cependant, il paraissait honnête homme ; du moins, il menait une vie bien tranquille, s’occupant beaucoup de ses affaires et peu de celles des autres, moyen le plus sûr de soigner les premières comme il faut.

— Maintenant, dit Taillefer, en frappant à la porte, nous voici chez un Juif, le seul, je pense, qu’il y ait dans le pays. Il n’y a que lui qui ait une certaine poudre dont j’ai besoin pour compléter les vertus de ma médecine.

À l’instant la porte s’ouvrit et apparut un vieillard de petite stature qui demanda ce qu’il fallait si matin à ces bons messieurs.

Taillefer nomma la poudre qu’il voulait acheter.

— Et quel besoin ces messieurs peuvent-ils avoir d’une poudre que l’on ne m’a pas demandée depuis quinze ans que je suis ici ? dit le petit vieillard.

— Je n’ai pas à répondre à cette question, fit Taillefer ; vendez-vous, oui ou non, cette drogue ?

— Si je l’ai ? oui je l’ai, Dieu de Moïse ! s’écria-t-il en oubliant que son exclamation pouvait faire reconnaître de quelle religion il était.

À ces mots, il présenta une poudre noirâtre.

— Mais elle est bien chère, ajouta-t-il ; je l’ai payée deux fois son pesant d’or ; elle vient du mont Sinaï. C’est une plante qui ne fleurit qu’une fois par siècle.

— Peu m’importe son origine, dit Taillefer ; mais tout ce que je sais fort bien, c’est que ce