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FRED :

Avez-vous déjà aimé, Jacqueline, avez-vous déjà éprouvé cette émotion vraie, l’attraction de deux cœurs qui se comprennent, se désirent et voudraient se promettre, malgré les difficultés, malgré l’abîme qui les sépare… Ah ! Si vous aviez rêvé, pleuré en relisant une lettre d’adieu, si vous aviez été très près de la mort comme moi, n’emportant qu’un regret : celui de laisser un être aimé ; si vous aviez posé vos lèvres, pieusement, toute seule, sur un portrait furtivement volé dans un salon désert ; vous sauriez ce que c’est que l’amour ! Vous auriez vécu des heures de douceur morale, heureuse dans une solitude consentie, indifférente aux mille et mille choses fragiles qui nous attachent à la vie pour ne penser qu’à celui qui vous est cher entre tous et que vous voyez partout. Et pourtant l’amour, mon petit, c’est de votre âge !… vous êtes jeune, belle, intelligente, vous serez aimée, gâtée, choyée… ces yeux-là sont trop beaux pour pleurer, la vie pour vous sera faite de rêves charmants, vos moindres désirs seront comblés… tout en vous appelle l’amour.

JACQUELINE :

Comme vous me parlez !

FRED :

On vous aimera ! qui sait, on vous aime peut-être déjà secrètement ma petite Jacqueline… Vous entendrez monter jusqu’à vous des murmures d’amour que votre cœur comprendra…

JACQUELINE :

Comme il vous comprend maintenant.

FRED :

(s’enflammant). Votre corps en sera tout saisi, tout troublé ! vous serez grisée d’infini, vous ne verrez et vous ne voudrez que l’homme que vous aurez choisi… vous vous prendrez tout à coup à croire à la beauté de la