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LE CHAMEAU

Par pitié pour le fou souvent le sage plie ;
Pour vrai respect le fou prend sa pitié.
L’égard qu’on a pour la folie,
La rend plus folle de moitié.
Ce grand ne peut souffrir que l’on le contredise.
Eh bien, soit, vous avez raison.
Nous voilà pris au mot : pas le moindre soupçon
Qu’il vient de dire une sotise,
Et que notre ménagement
Lui dit qu’il est sot doublement.
On voit un auteur fanatique,
Sur chacun de ses vers prêt à s’extasier,
Pâlissant, frémissant à la moindre critique :
De peur de le mortifier,
Nous nous prêtons à sa manie ;
Un mot d’éloge échappe ; et mon homme est perdu.
L’idiot désormais se va croire un génie.
Vous l’avez dit : du moins, l’a-t-il bien entendu.
J’alléguerois sans peine un tas d’autres exemples ;
La morale n’a point de matieres plus amples :
Mais je n’épuise rien ; et de crainte d’ennui,
L’art demande que je m’arrête.
Dire tout au lecteur, cela n’est pas honnête :
C’est trop se défier de lui.