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Tu ne m'y suivis point, quand Apollonius [310]

Vint charger les hébreux des fers d'Antiochus.

C'est là que Misaël, touché de leur misère,

Vint souvent implorer mon pouvoir sur mon père.

J'admirais pour les juifs son zèle généreux.

Il paraissait charmé de ma pitié pour eux. [315]

Chaque jour dans mon sein il déposait ses peines,

Nous cherchions les moyens de soulager leurs chaînes ;

Et de cette pitié, Céphise, chaque jour

Naissait en se voilant le plus ardent amour.

L'hébreu me l'avoua : mais hélas ! Le dirai-je ! [320]

Frémissant de m'aimer comme d'un sacrilège,

S'excusant à la fois, en m'apprenant son feu,

À Dieu de son amour, à moi de son aveu ;

Tandis que de l'aveu paraissant offensée,

Son seul remords, Céphise, occupait ma pensée ; [325]

Et qu'en secret mon coeur ne pût lui pardonner

Que pour moi tout le sien n'osât s'abandonner.

Il ne me revit plus. Ma tendre impatience

S'alarma des raisons d'une si triste absence.

Je doutais s'il fuyait le danger de me voir, [330]

Ou si mes yeux sur lui n'avaient plus de pouvoir ;

Et m'occupant toujours de cette incertitude,

De ce trouble éternel la vive inquiétude

Me rendait plus présent l'amant qui me fuyait,

Et peut-être plus cher l'ingrat qui m'oubliait. [335]

Tu vois à quel amour Antigone asservie...

Céphise

Je vois que cet amour vous coûtera la vie.

Antigone

Apprends tout. Mon dépit se voulut informer

D'un culte dont les lois défendaient de m'aimer.

De ce peuple proscrit je suivis les annales. [340]

Non, Céphise, il n'est point de nations égales.

Je vis, je te l'avoue, avec étonnement

Leur naissance,