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Que mes embrassements réparent cette crainte ;

Et loin de nous livrer à l'infidèle plainte, [230]

Parle ; raconte moi, pour consoler mon coeur,

Dans la mort de mes fils la gloire du Seigneur.

Misaël

Leur mort est un triomphe ; et nos saintes annales

N'ont jamais célébré de victoires égales.

Par l'horreur des tourments, loin qu'ils fussent vaincus, [235]

Leur intrépidité troublait Antiochus.

Des supplices nouveaux renaissait leur courage.

Oui, madame, leur joie humiliait sa rage ;

Et le tyran confus, même en donnant ses lois,

Paraissoit un esclave, et mes frères des rois. [240]

Salmonée

Grand dieu ! Tels sont les coeurs que ta bonté protège.

Misaël

Aux portes du palais un autel sacrilège

Pour les dieux des gentils fumait d'un fol encens.

De la mort près de là les apprêts menaçants,

D'un échafaud dressé couvraient presque l'espace ; [245]

Et mes frères et moi nous occupions la place

Qui séparait de nous l'échafaud et l'autel.

Là nos ardents désirs hâtaient le coup mortel.

Antiochus paraît. Antigone à sa suite

Frémissait du spectacle où l'on l'avait conduite. [250]

Voilà, nous a-t-il dit, la vie et le trépas,

Vous n'avez qu'à choisir. Nous ne choisissons pas,

Crions-nous : dès longtemps résolus au supplice,

Voilà, voilà l'autel de notre sacrifice ;

Et de la même ardeur enflammez aussitôt, [255]

Nous voulions à l'envi monter à l'échafaud.

Arrêtez. Laissez-moi, dit l'aîné de mes frères,

M'immoler le premier pour le dieu de mes pères.