Et qui plus loin encore étendant son poison,
Du sein de la sagesse arracha Salomon !
Ah ! Mon cher Misaël, contre de telles flammes
Te défendras-tu mieux que de si grandes âmes ! [210]
Scène IV
Ah ! Ma mère, l'effroi glace encore mes sens.
Sous les coups des bourreaux eux-mêmes frémissants,
Je viens en ce moment de voir périr mes frères.
Vous êtes désormais la plus triste des mères.
Vous n'avez plus que moi ; ces enfants si chéris... [215]
Ils sont morts ! Pourquoi donc vous revois-je, mon fils ?
Ne tremblez pas, ma mère ; une faiblesse impie
Ne m'a point fait encore un crime de ma vie.
Je ne sais point trahir aux yeux de l'univers
La mère dont je sors, ni le dieu que je sers. [220]
J'ai demandé la mort. Ma prière empressée
Ne la peut obtenir de la rage lassée.
Le tyran veut laisser reposer son courroux ;
Et je reviens pleurer mes frères avec vous.
Les pleurer ! Non, mon fils, ne souillons point de larmes [225]
Une mort où ma foi me fait voir tant de charmes.
Je n'ai craint que pour toi, mon fils ; à ton aspect
Tout mon coeur a frémi de ce retour suspect.