Si tu vois succomber au poids de nos misères
De lâches déserteurs de la loi de leurs pères,
Ces juifs n'étaient point juifs ; et l'ange de Sion
Entre les noms élus ne comptait plus leur nom.
Leurs prières n'étaient que de vaines paroles [65]
Qui profanaient le temple autant que tes idoles ;
Et malgré tes succès, ta fureur aujourd'hui
Ne lui prend que des coeurs qui n'étaient plus à lui.
Il reste encor des saints contre tes injustices.
En vain pour les dompter, tu t'armes de supplices ; [70]
Les échafauds dressés te rendent-ils plus fort ?
Crois-tu donc affaiblir Dieu même par leur mort ?
Tu crois les lui ravir ! Tyran, tu les lui donnes.
Tu penses te venger ! Tyran, tu les couronnes.
Mais au terme fatal prescrit à tes rigueurs, [75]
Il en réservera qui seront nos vengeurs.
Je le défie encor de tromper ma colère.
Vous du moins frémissez ; et si vous êtes mère,
Pleurez de vos enfants le trépas assuré,
Si dans ce même instant Jupiter adoré... [80]
Arrête ; ils périront. Épargne-moi ce doute.
Il est le seul affront que ma race redoute.
Eh ! Ne connais-tu pas le coeur des vrais hébreux ?
Rappelle Éléazar, ce vieillard généreux,
Qui pouvant t'échapper, et bravant toute crainte, [85]
Dans les bras de la mort s'est sauvé de la feinte.
Tu l'as sacrifié ; mes enfants le suivront.
Ils ont reçu l'exemple ; eux-mêmes le rendront.
Je te livre mon sang ; cruel, va le répandre.
Il criera contre toi. Dieu daignera l'entendre ; [90]
Et le jour du Seigneur ne s'éloignera plus.