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Au comble de misère où le juif est réduit,

Réclamez-vous encore un dieu que j'ai détruit ?

Salmonée

Ne te fatigue pas à raconter tes crimes :

Qui les sait mieux que nous qui sommes tes victimes ? [30]

L'esclavage, la mort, l'incendie et l'horreur

Ont sur Jérusalem épuisé ta fureur.

De trente mille juifs l'effroyable carnage

Servit en un seul jour de tribut à ta rage ;

L'abominable idole est sur l'autel sacré. [35]

En as-tu chassé Dieu ? Non. Dieu te l'a livré.

Ce qu'il n'eût pas voulu, quel bras eût pu le faire ?

S'il nous eût protégés, que servait ta colère ?

Il pouvait nous sauver aux portes du trépas,

D'un souffle de sa bouche abattre tes soldats, [40]

D'Heliodore en toi renouveler l'exemple,

Et la verge à la main te chasser de son temple.

Antiochus

Ainsi vantant toujours cent prodiges divers,

Vous croyez effrayer le crédule univers :

Mais désabusez-vous, fanatiques coupables. [45]

J'ai vaincu : mon triomphe a dissipé vos fables.

Salmonée

Non, tu n'as pas vaincu ; mais nous avons péché.

Sous ta propre fureur le Seigneur s'est caché.

C'est lui qui, pour punir des enfants indociles,

Embrase par tes mains ses autels et nos villes ; [50]

Et las de nos mépris, c'est lui qui par ta voix

Aux prévaricateurs redemande ses lois.

Nos prophètes nous ont annoncé nos disgrâces.

Le tonnerre vengeur confirmait leurs menaces.

Nous avons vu vingt fois au milieu des éclairs [55]

Des combats obstinés ensanglanter les airs.

Sache que ton courroux orgueilleux de nous nuire,

Sert malgré toi le dieu que tu penses détruire.

Ne crois pas cependant qu'à jamais condamné,

Ce peuple à ton courroux soit tout abandonné. [60]