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Le devrais-je, seigneur ?

Je vous ai pour Inès fait connaître mon coeur.

Peut-être, sans l'amour dont elle est prévenue,

De vous-même aujourd'hui je l'aurais obtenue ;

L'infant seul, de ma flamme, est l'obstacle fatal ; [905]

Et vous me commandez de juger mon rival !

Consultez seulement votre propre clémence.

Ce que vous ressentez, vous dit ce que je pense.

Pour ce cher criminel tout doit vous attendrir.

Peut-on délibérer s'il doit vivre ou mourir ? [910]

Pardonnez mes transports ; mais c'est mettre en balance

La grandeur de l'empire avec sa décadence :

C'est douter si du joug il faut nous dérober,

Et si vôtre grand nom doit s'accroître ou tomber.

Eh ! Quel autre après vous en soutiendrait la gloire ? [915]

Qui, sous nos étendards, fixerait la victoire ?

Vous ne l'avez point vu : mais vos regards surpris

Auraient à tous ses coups reconnu votre fils ;

Et sur quelque attentat qu'il faille ici résoudre,

Dans ses moindres exploits, trouvé de quoi l'absoudre. [920]

Il ose, dites-vous, violer les traités ;

Mais les traités des rois sont-ils des cruautés ?

Faut-il aux intérêts, aux voeux de la Castille

Immoler sans pitié votre propre famille ?

N'avez-vous pas, Seigneur, par vos empressements [925]

Avec assez d'éclat dégagé vos serments ?

Croyez que Ferdinand rougirait si Constance

Ne tenait un époux que de l'obéissance,

Tandis que l'amour peut la couronner ailleurs,

Et lui promet partout des sceptres et des coeurs. [930]

Il force le palais : je conviens de son crime :

Mais vous-même jugez du dessein qui l'anime.

Il n'en veut point au trône ; il respecte vos jours ;