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Que le fonds de mon coeur vous oppose à regret ;

Et cependant il faut que je vous le révèle ;

Je sens trop que le ciel ne m'a point fait pour elle ;

Qu'avec quelque beauté qu'il l'ait voulu former, [405]

Mon destin pour jamais me défend de l'aimer.

Si mes jours vous sont chers ; si depuis mon enfance

Vous pouvez vous louer de mon obéissance ;

Si par quelques vertus et par d'heureux exploits,

Je me suis montré fils du plus grand de nos rois, [410]

Laissez aux droits du sang céder la politique.

Épargnez-moi de grâce un ordre tyrannique.

N'accablez point un coeur qui ne peut se trahir,

Du mortel désespoir de vous désobéir.

Alphonse

Je vous aime ; et déjà d'un discours qui m'offense, [415]

Vous auriez éprouvé la sévère vengeance,

Si malgré mon courroux, ce coeur trop paternel

N'hésitait à trouver en vous un criminel :

Mais ne vous flattez point de cet espoir frivole,

Que mon amour pour vous balance ma parole. [420]

Écouterais-je ici vos rebelles froideurs,

Tandis qu'à Ferdinand par ses ambassadeurs,

Je viens de confirmer l'alliance jurée ?

Eh ! Que devient des rois la majesté sacrée,

Si leur foi ne peut pas rassurer les mortels : [425]

Si leur trône n'est pas autant que les autels ;

Et si de leurs traités l'engagement suprême,

N'était pas à leurs yeux le décret de Dieu même !

Mais en rompant les noeuds qui vous ont engagé,

Voulez-vous que bientôt Ferdinand outragé, [430]

Nous jurant désormais une guerre éternelle,

Accoure se venger d'un voisin infidèle ?

Que des fleuves de sang...

Dom Pedre

Ah ! Seigneur, est-ce à vous !