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Ne croyez pas qu'ici je vous fasse une offense

De dérober vôtre âme au pouvoir de Constance,

D'opposer à ses yeux la farouche fierté

D'un coeur inaccessible aux traits de la beauté : [370]

Mais vous figurez-vous que ces grands hyménées

Qui des enfants des rois règlent les destinées,

Attendent le concert des vulgaires ardeurs,

Et, pour être achevez, veuillent l'aveu des coeurs ?

Non, prince, loin du trône un penser si bizarre ; [375]

C'est par d'autres ressorts que le ciel les prépare.

Nous sommes affranchis de la commune loi ;

L'intérêt des états donne seul notre foi.

Laissons à nos sujets cet égard populaire,

De n'approuver d'hymen que celui qui sait plaire, [380]

D'y chercher le rapport des coeurs et des esprits :

Mais ce bonheur pour nous n'est pas d'assez haut prix ;

Il nous est glorieux qu'un hymen politique

Assure à nos dépens la fortune publique.

Dom Pedre

C'est pousser un peu loin ces maximes d'État ; [385]

Et je ne croirai point commettre un attentat,

De vous dire, Seigneur, que malgré ces maximes,

La nature a ses droits plus saints, plus légitimes.

Le plus vil des mortels dispose de sa foi :

Ce droit n'est-il éteint que pour le fils d'un roi ; [390]

Et l'honneur d'être né si près du rang suprême,

Me doit-il en esclave arracher à moi-même ?

Déjà de mes discours frémit votre courroux :

Mais regardez, Seigneur, un fils à vos genoux :

Prêtez à mes raisons une oreille de père. [395]

Lorsque de Ferdinand vous obtîntes la mère,

Sans daigner consulter ni mes yeux ni mon coeur

Votre foi m'engagea, me promit à sa soeur.

Je sais que les vertus, les traits de la princesse

Ne vous ont pas laissé douter de ma tendresse : [400]

Vous ne pouviez prévoir cet obstacle secret