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Consumé tous les jours d'une affreuse tristesse,

Accuser en mourant ma timide tendresse :

C'est à ce seul péril que mon coeur a cédé. [205]

Il fallait vous sauver ; et j'ai tout hasardé.

Je ne m'en repens pas. Le ciel que j'en atteste

Voit que si mon audace à moi seule est funeste,

Même sur l'échafaud, je chérirais l'honneur

D'avoir, jusqu'à ma mort, fait tout vôtre bonheur. [210]

Dom Pedre

Ne doutez point Inès qu'une si belle flamme

De feux aussi parfaits n'ait embrasé mon âme.

Mon amour s'est accru du bonheur de l'époux.

Vous fîtes tout pour moi ; je ferai tout pour vous.

Ardent à prévenir, à venger vos alarmes, [215]

Que de sang payerait la moindre de vos larmes !

Tout autre nom s'efface auprès des noms sacrez

Qui nous ont pour jamais l'un à l'autre livrez.

Je puis contre la Reine écouter ma colère ;

Et même le respect que je dois à mon père, [220]

Si je tremblais pour vous...

Inès

Ah ! Cher prince, arrêtez.

Je frémis de l'excès où vous vous emportez.

Pour prix de mon amour, rappelez-vous sans cesse

La grâce que de vous exigea ma tendresse.

Le jour heureux qu'Inès vous reçût pour époux, [225]

Vous la vîtes, seigneur, tombant à vos genoux,

Vous conjurer ensemble et de m'être fidèle,

Et de n'allumer point de guerre criminelle ;

Et dans quelque péril que me jeta ma foi,

De n'oublier jamais que vous avez un roi. [230]

Dom Pedre

Je ne vous promis rien ; et je sens plus encore

Qu'il n'est point de devoir contre ce que j'adore.

Si je crains pour vos jours, je vais tout hasarder ;

Et vous m'êtes d'un prix à qui tout doit céder.

Mais, s'il le faut, fuyez : que le plus sûr asile [235]