Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 4.djvu/334

Cette page n’a pas encore été corrigée

Que de l'amour d'un père implora son audace :

Il n'éloignait l'honneur de recevoir sa foi,

Que pour s'en montrer mieux digne d'elle et de moi.

Moi-même armant son bras, j'animai son courage. [55]

La fortune est souvent compagne de son âge ;

Je prévis qu'il ferait ce qu'autre fois je fis,

Et me privai de vaincre en faveur de mon fils.

Il a, grâces au ciel, passé mon espérance ;

Des Africains domptés, implorant ma clémence, [60]

La moitié suit son char, et gémit dans nos fers ;

Le reste tremble encore au fond de ses déserts.

Quels honneurs redoublés ont signalé ma joie !

Et, tandis que pour lui mon transport se déploie,

Mes sujets enchantés, enchérissant sur moi, [65]

Semblent par mille cris le proclamer leur roi.

Madame, il est enfin digne que la princesse

Lui donne avec sa main l'estime et la tendresse.

Ce noeud va rendre heureux au gré de mes souhaits,

Ce que j'ai de plus cher, mon fils et mes sujets. [70]

La Reine

Ne prévoyez-vous point un peu de résistance,

Seigneur ; de votre fils la longue indifférence

Me trouble malgré moi d'un soupçon inquiet ;

Et je crains dans son coeur quelque obstacle secret,

Auprés de la princesse il est presque farouche : [75]

Jamais un mot d'amour n'est sorti de sa bouche ;

Et, de tout autre soin à ses yeux agité,

Il semble n'avoir pas aperçu sa beauté.

S'il résistait, Seigneur...

Alphonse

C'est prendre trop d'ombrage.

Excusez la fierté de ce jeune courage. [80]

C'est un héros naissant de sa gloire frappé ;

Et d'un premier triomphe encor tout occupé.

Bientôt, n'en doutez pas, une juste tendresse