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Ah ! Ma mère, bien loin que sa fureur se lasse,

Le cruel me prépare un supplice fatal [1250]

Qu'il imagine moins en tyran qu'en rival.

Si je m'offre à la mort, Antigone est perdue ;

Je la livre aux bourreaux, ma présence la tue ;

J'allume le bucher qui la doit dévorer,

Et je l'y précipite, en courant m'y livrer. [1255]

Salmonée

Et si tu n'y cours point, qu'est-ce donc qu'il espère ?

Misaël

Qu'en adorant ses dieux, j'éteindrai sa colère.

Salmonée

Et tu consentirais qu'il osât l'espérer ?

Misaël

Vous me faites frémir. Mais je dois demeurer ;

De ces funestes lieux attendre qu'on m'arrache ; [1260]

Et n'être, s'il se peut, ni barbare, ni lâche ;

Me résoudre à la mort que je ne fuirai pas,

Sans aller d'une épouse ordonner le trépas :

Car, madame, songez que l'amour qui m'anime,

Tout extrême qu'il est, a cessé d'être un crime. [1265]

Sans honte et sans remords j'en subis la rigueur ;

Et c'est sans le souiller qu'il déchire mon coeur.

Où prendre dans ce trouble un conseil salutaire !

Plein de ce que je sens, vois-je ce qu'il faut faire ?

Je sais que le tyran va soupçonner ma foi ; [1270]

Je le sais, et j'attends : mais enfin je le dois.

Ces jours unis aux miens qu'il faut que je respecte...

Salmonée

Ciel ! Qu'entends-je ! Tu dois laisser ta foi suspecte !

Misaël à mes yeux ose penser ainsi !

La faiblesse et l'erreur le retiennent ici ! [1275]

Misaël

Savons-nous quel secours le seigneur nous prépare ?