Ô ciel, qui vois le trouble où mon âme s'égare,
Puis-je ici ne pas être infidèle ou barbare ?
Puis-je encor satisfaire à tout ce que je dois ; [1230]
Et ne pas offenser la nature ou ma foi ?
Qui me garantira d'un éternel reproche ?
Scène II
Ah ! Ma mère !
Ah ! Mon fils ! Je tremble à ton approche.
J'ai voulu sur ta fuite interroger le roi,
Qui d'un regard farouche augmentant mon effroi, [1235]
Et sur tes sentiments s'obstinant au silence,
Pour mon tourment, dit-il, me permet ta présence.
Ton aspect est-il donc un supplice pour moi ?
Parle ; est-ce un infidèle ; est-ce un fils que je vois ?
T'es-tu déshonoré ? Ta fuite est-elle un crime ? [1240]
Non. Je n'exécutais qu'un dessein légitime.
Antigone avec moi s'éloignait de ces lieux ;
Mais, madame, en fuyant elle abjurait ses dieux :
Elle est israélite ; un noeud sacré nous lie.
Le nom de son époux m'a chargé de sa vie. [1245]
Elle est israëlite ! Et vous êtes unis !
Et le tiran encor ne vous a pas punis !
Se démentiroit-il jusqu'à vous faire grace ?