Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 4.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée

Pour attendrir mon coeur, vous offrit à mes yeux.

Je veux bien l'avouer, les plus grandes conquêtes,

L'honneur d'humilier les plus superbes têtes,

D'abattre sous mes pieds un monde d'ennemis,

M'intéresserait moins que Misaël soumis. [635]

L'horreur d'avoir en vain devant cette âme altière

Employé la menace et perdu la prière,

Mon amitié bravée autant que mon pouvoir,

Cet affront m'accablait du plus vif désespoir :

Car je ne sais si c'est ou grandeur ou faiblesse, [640]

Mais ma fierté frémit de tout ce qui la blesse.

Qu'un seul de mes sujets ose me résister,

Tout ce qui m'obéit ne peut plus me flatter,

La résistance alors est tout ce qui me frappe,

Il semble à mon orgueil que le sceptre m'échappe, [645]

Et qu'à jamais forcé de recevoir la loi,

Je ne suis plus qu'un homme, et cesse d'être roi.

Antigone

Eh ! Pourquoi souffrez-vous que ce trouble empoisonne

Tout ce vaste pouvoir que le destin vous donne ?

Tandis que vous avez, Seigneur, de toutes parts [650]

Tant d'objets enchanteurs où porter vos regards,

Le plus léger chagrin les fait tous disparaître !

Un superbe dépit...

Antiochus

Je n'en suis pas le maître.

Je tâche à l'étouffer, et sans cesse il renaît ;

Je sens qu'il fait toujours mon plus cher intérêt : [655]

Des autres passions toute la violence

N'en saurait dans mon coeur balancer la puissance.

Si Misaël se rend, madame, les hébreux

Sans effort désormais vont prévenir mes voeux.

Cet exemple peut tout, et j'en dois plus attendre [660]

Que d'un torrent de sang que je pourrais répandre.

Antigone