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Je fuis le seul objet que mon coeur ait à craindre.

Qu'on me présente encor le plus cruel trépas,

Vous l'avez déjà vu, je n'en frémirai pas. [535]

Mais Antigone en pleurs qui pour moi s'intéresse,

Ces discours, cette voix si chère à ma tendresse,

Ces attraits souverains, ces regards pénétrants,

Voilà mes ennemis, voilà mes vrais tyrans.

Plus les périls affreux me trouvent intrépide, [540]

Plus ce danger flatteur me trouble et m'intimide :

Faut-il que dans un coeur où le mien est lié,

Le ciel ait fait pour moi tomber cette pitié !

Que la seule personne à qui toute ma vie,

Malgré tous mes efforts, se voyait asservie, [545]

Qu'Antigone s'obstine à me la conserver,

Quand il m'en coûterait un crime à la sauver !

Antigone

De quoi t'étonnes-tu ? De quel crime frivole...

Misaël

Qui ! Moi, Madame, moi, fléchir devant l'idole ?

Antigone

Ah ! D'un encens forcé que tu désavoueras, [550]

Ni nos dieux, ni le tien ne te puniront pas.

Misaël

Non, madame, le mien veut que notre courage

Lui rende aux yeux de tous un ferme témoignage ;

Et que ne craignant rien, n'aimant rien tant que lui,

Dans notre seule foi nous mettions notre appui. [555]

Je sens trop, à ces mots, combien la mort m'importe.

D'une vie agitée il est temps que je sorte.

Mon coeur, mon faible coeur se lasse à repousser

Ces traits toujours nouveaux dont je me sens percer.

Plus je m'arrête ici, plus je deviens coupable. [560]

Je sens qu'à chaque instant cet amour déplorable,