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Ils nous laissent nos coeurs : mais le dieu des hébreux [370]

Veut le coeur de son peuple, ou rejette ses voeux.

Céphise

Madame, et si le roi découvrait tout ce zèle ? ...

Antigone

Depuis qu'à ses secrets Antiochus m'appelle,

Qu'après la mort d'un père attachée à sa cour,

Sa tendresse pour moi redouble chaque jour, [375]

Ce que mes yeux sur lui me donnent de puissance,

Pour les malheureux juifs tente son indulgence.

Je cherche en le flattant à fléchir son courroux ;

Et je crois secourir Misaël en eux tous.

Il m'a revue ici. Ses pleurs m'ont pénétrée. [380]

Je voyais en lui seul sa patrie éplorée.

Il ne m'a point parlé de ses feux : mais hélas !

J'ai vu ce qu'il souffrait à ne m'en parler pas.

Il m'aime encor, Céphise ; il est toujours le même ;

Et je viens de t'apprendre à quel excès je l'aime. [385]

Conçois-tu mon état ? Et de quelle douleur

Les apprêts de sa mort ont dû percer mon coeur ?

J'ai crû le voir mourir dans chacun de ses frères.

Il allait suivre enfin des victimes si chères.

Je ne sais point quel dieu m'a soutenue alors : [390]

Mais un reste d'espoir redoublant mes efforts,

Du fier Antiochus l'âme s'est attendrie ;

Et Misaël et moi nous obtenons la vie.

Céphise

Par quel charme avez-vous de ce tigre irrité...

Antigone

Connais d'Antiochus quelle est la cruauté. [395]

Céphise, son orgueil fait seul toute sa rage.

Ne lui crois point un coeur affamé de carnage,

Qui de la soif du sang se sente dévorer,

Et qui n'ait de plaisir qu'à s'en désaltérer.

Souvent des malheureux il ressent la disgrâce. [400]

La pitié dans son coeur trouve encore sa place.