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livre i, satire ix.

pagnerai. La vie n’accorde rien aux mortels sans beaucoup de travail. »

Pendant qu’il parle, voici que Fuscus Aristius vient à nous ; il m’est cher, et il connaît bien l’homme. Nous nous arrêtons. « D’où viens-tu ? et où vas-tu ? » On se questionne et on se répond. Je lui tire et lui serre les bras qui restent inertes, faisant des signes de tête et roulant les yeux, afin qu’il me délivre. Le mauvais plaisant rit et ne veut rien voir. La bile me brûle le foie : — « Tu avais à me confier je ne sais quel secret, » lui dis-je. — « Je m’en souviens bien, mais je te dirai cela dans un meilleur moment. C’est aujourd’hui le trentième sabbat ; voudrais-tu offenser les Juifs circoncis ? » — « Je n’ai aucune religion, » dis-je. — « Moi, j’en ai, étant plus faible d’esprit, comme bien d’autres. Pardonne ; je te parlerai une autre fois. »

Faut-il qu’un jour si noir se soit levé pour moi ! Le traître s’enfuit et me laisse sous le couteau.