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livre i, satire iii.

Celui qui mettrait en croix l’esclave qui, emportant un plat, aurait lapé un reste de poisson ou de sauce tiède, serait tenu par les sages pour plus insensé que Labéon. Combien cette faute-ci n’est-elle pas plus folle et plus grave encore : ton ami a eu quelque tort ; ne pas le lui pardonner serait te montrer dur et acerbe, et cependant tu le hais et tu le fuis comme le débiteur fuit Ruson, quand, au retour redouté des malheureuses Kalendes, n’ayant pu rendre l’argent ou payer l’intérêt, il écoute des histoires amères, le cou tendu, comme un captif. Mon convive pris de vin a souillé le lit, il a renversé de la table un petit vase usé par les mains d’Évander, ou, mourant de faim, il a enlevé du plat un poulet placé devant moi ; cet ami me sera-t-il moins cher pour cela ? Que ferai-je s’il a commis un vol, trahi un secret confié, ou nié un engagement ? Ceux qui assimilent toutes les fautes sont fort en peine quand il s’agit de vérifier ; le