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satires.

jours opposer les contraires ? En te défendant d’être avare, je ne t’ordonne pas d’être un débauché et un coquin. Il y a une différence entre Tanaïs et le beau-père de Visellius. Il y a une mesure en toutes choses, et des limites certaines, au delà et en deçà desquelles on ne peut trouver le bien.

Je reviens au point d’où je suis parti. Personne qui ne fasse comme l’avare et qui n’envie la condition d’autrui ; qui ne se dessèche si la chèvre d’autrui a des mamelles plus gonflées ; qui veuille se comparer à la foule si nombreuse des plus pauvres que lui, et qui ne travaille à surpasser celui-ci et celui-là. Mais on rencontre toujours un plus riche que soi. Ainsi, quand le sabot du cheval emporte le char loin des barrières, le conducteur pousse ses chevaux sur ceux qui le devancent, méprisant celui qu’il a dépassé et qu’il laisse au dernier rang. De là vient qu’il est rare de découvrir un homme qui dise avoir vécu heureux, et qui,