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art poétique.

jours de travail et par de nombreuses ratures, auquel dix corrections n’ont point donné le poli de l’ongle.

Parce que Démocritus croit que le génie est plus riche que l’art, et qu’il exclut les poëtes de bon sens de l’Hélicon, une bonne partie d’entre eux ne se fait plus ni les ongles, ni la barbe, cherche les lieux retirés et ne va plus au bain. On acquiert, en effet, le glorieux nom de poëte, en ne confiant jamais au barbier Licinus une tête que ne guériraient pas trois Anticyres. Oh ! que je suis maladroit de purger ma bile au printemps ! Personne ne ferait de meilleurs vers ; mais je n’y tiens pas. Je remplis la fonction de la pierre à aiguiser qui rend le fer coupant, sans couper elle-même. Sans écrire rien moi-même, j’enseignerai la tâche et le devoir, je dirai d’où le poëte tire ses richesses, ce qui le nourrit et le forme, ce qui convient ou non, où est la vérité, où est l’erreur.