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APRÈS trente années de recherches, je crois être parvenu au terme où je pourrai mettre la dernière main à un Dictionnaire de la langue provençale, dont l’utilité ne serait pas contestée, si la savante société à laquelle je viens en soumettre le plan, veut bien s’occuper un instant de son examen , m’éclairer de ses lumières et me diriger par ses conseils. Vous le savez tous, Messieurs, un auteur a ordinairement pour ses ouvrages la même faiblesse qu’un père éprouve pour ses enfants ; il en exalte le mérite, il en rehausse les qualités, mais leurs défauts et leurs vices échappent facilement à ses regards. Nul n’est bon juge dans sa propre cause, est de toutes nos sentences proverbiales celle dont on peut faire une plus fréquente et plus juste application.

SI les auteurs les plus renommés, les plus instruits et les plus érudits ont besoin de conseils, ce secours ne serait-t-il pas d’une indispensable nécessité à celui qui n’a peut-être d’autre mérite que son amour pour le travail et un désir ardent de bien faire.

C’est donc à vous Messieurs, que je viens m’adresser, comme à des juges compétents, pour obtenir la solution de quelques difficultés qui m’embarrassent , établir certains principes dont l’observation ne pourra devenir obligatoire que lorsqu’ils auront reçu votre sanction cl pour vous demander, enfin , un jugement sur un ouvrage qui ne verra le jour qu’autant que vous l’en aurez jugé digne.

Faire le dictionnaire d’une langue fixée, est déjà une œuvre difficile, à cause de la variété de connaissances qu’il faut posséder pour pouvoir parler de tout pertinemment ; pour adopter ou rejeter à propos, les mots dont un néologisme effrayant cherche à en grossir le vocabulaire, et pour donner aux définitions cette clarté souvent incompatible avec le laconisme qui doit régner dans ces ouvrages.

Mais, si un dictionnaire dans lequel il n’y a qu’à ajouter ou retrancher quelques mots, corriger ou éclaircir quelques définitions, est difficile à faire, s’il exige des connaissances profondes et variées, que ne dira-t-on pas de la témérité de l’auteur qui, privé de ces avantages, ose proposer celui d’une langue qui n’a encore ni syntaxe, ni orthographe , ni mots fixés irrévocablement ; celui en un mot qu’il faut créer, car on peut le dire en passant . et sans application particulière, ceux qui ont été publiés jusqu’à ce jour peuvent