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Et de l’expédier sous le toit du héros,
À Pénélope en proie à ses douleurs amères,
Pour contenir ses pleurs et son deuil infini.
Par le cuir du verrou le fantôme pénètre ;
Il murmure, en planant sur le front rembruni :
« Pénélope, tu dors, brisée en tout ton être ?
Les dieux sempiternels condamnent toutefois
Tes larmes, tes sanglots, car ton fils sur ces grèves
Doit revenir : jamais il n’enfreignit leurs lois. »

Suavement bercée à la porte des rêves,
La sage Pénélope aussitôt répondit :
Ma sœur, pourquoi viens-tu ? L’on te vit peu constante
À hanter ma maison, la tienne est si distante !
Tu me dis d’oublier les maux qui sans répit
Tourmentent ma cervelle et me déchirent l’âme.
Non ! d’abord je perdis un brave et noble époux,
L’emportant sur les Grecs en renommée et fâme,
Dans l’Hellas, l’Argolide acclamé parmi tous.
Maintenant mon cher fils roule en une galère,
Lui si jeune et peu fait aux travaux, aux conseils !
Je m’afflige pour lui bien plus que pour son père ;
Je tremble, et crains qu’il n’ait de funestes réveils
Chez les gens qu’il visite ou sur la mer stérile.
Des ennemis nombreux l’entourent de filets
Et veulent le tuer avant qu’il touche l’île. »

Le ténébreux fantôme, à ces aveux complets :
« Espère, et ne sois pas trop dupe de la crainte.
Il a pour guide un dieu que plus d’un voudrait voir
Marcher à ses côtés, car grand est son pouvoir.
C’est Minerve-Pallas ; elle comprend ta plainte,