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Par sa ténacité refoulait notre entrain.
Eh ! qui peut s’allonger près d’un monstre marin ?
Mais elle nous sauva par un puissant remède.
L’ambroise secourut nos flairs empuantis ;
Son parfum dissipa l’exhalaison mortelle.
Toute la matinée, on guetta de plein zèle ;
Puis, phoques d’émerger ; en grand nombre sortis,
Ils s’étendirent tous par files sur la plage.
L’ancien vint à midi, trouva ses phoques gras,
Et parcourut leurs rangs, les comptant au passage.
Il nous vit les premiers, en ne soupçonnant pas
La ruse ourdie : ensuite il se coucha lui-même.
Nous fondîmes, hurlants, l’étreignimes des mains ;
Le vieux n’oublia point son propre stratagème.
Tout à coup il se fit lion aux larges crins,
Puis dragon, et panthère, et sanglier immense,
Enfin source limpide, arbre au feuillage altier ;
Mais nos bras l’enchaînaient sans perdre patience.
Le vieillard se lassa, quoique habile routier,
Et, me questionnant, me parla de la sorte :
« Atride, par quel dieu, contre ma volonté,
Viens-tu m’astreindre ainsi ? Quel motif te transporte ? »

« Il dit ; moi de répondre avec célérité :
« Tu sais, vieillard, — pourquoi cette plainte suspecte ? —
Qu’ici l’on me retient, que je ne suis au bout
De ma détention, qu’en moi l’esprit s’affecte.
Eh bien, apprends-moi donc, car les dieux savent tout,
Quel Céleste m’en veut, me referme la route,
Empêche mon retour sur les flots poissonneux. »

« Je dis ; et, sans tarder, le véridique ajoute :