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« En Égypte les dieux m’arrêtaient nostalgique,
Pour n’avoir pas offert d’hécatombe au complet.
Les dieux veulent de nous déférence absolue.
Or sur l’onde houleuse, aux bouches d’Égyptos,
Certaine île s’élève ; on l’appelle Pharos.
Elle est à la distance en un jour parcourue
Par les navires creux que pousse un vent poupier.
Il s’y trouve un bon port d’où, prise l’eau potable,
Le nocher met à flot son vaisseau régulier.
Vingt jours les Immortels là détinrent mon câble.
La mer ne sentait plus cette haleine qui va
Dirigeant toute nef sur sa croupe sauvage.
Mes vivres s’épuisaient, mes gens perdaient courage,
Lorsqu’une déité me plaignit, me sauva.
C’était Idothéa, fille du grand Protée,
Vieillard des mers : mon sort la tenait aux aguets ;
Aussi vint-elle à moi, comme seul je vaguais.
Les miens erraient dans l’île et cherchaient leur pâtée
Au bout de l’hameçon ; ils se mouraient de faim.
La dive, m’abordant, m’adressa la parole :
« Étranger, es-tu donc si stupide ou si vain,
Ou geins-tu volontiers, trouves-tu gai ton rôle,
Puisque, en ces lieux captif, tu ne peux en sortir
Et laisses de chagrin fondre ton équipage ? »

« Elle se tut, et moi vite de repartir :
« Déesse, écoute-moi, quel que soit ton lignage.
Je ne séjourne pas dans cette île par goût ;
Aux rois du vaste ciel j’aurai manqué sans doute.
Eh bien, apprends-moi donc, car les dieux savent tout,
Quel d’entre eux me retient, me ferme ainsi la route,
Empêche mon retour sur les flots poissonneux. »