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« Télémaque, au hasard quel mot viens-tu d’émettre ?
Un dieu peut, à son gré, de loin sauver un être,
Pour moi, j’aimerais mieux souffrir mille revers
Avant de retourner dans ma cité jalouse,
Que de périr au port, ainsi qu’Agamemnon,
Par le dol d’un Égisthe et d’une atroce épouse.
Mais les dieux mêmement au commun Achéron
Ne peuvent disputer le mortel qu’ils assistent,
Quand la Parque fatale au tombeau l’a couché. »

Le prudent Télémaque, à ces mots qui l’attristent :
« Mentor, laissons cela, quoiqu’on en soit touché.
C’en est fait du retour de mon malheureux père ;
Le ciel lui dépêcha la mort, le Destin noir.
Mais j’interrogerai sur une autre matière
Nestor : car il excelle en prudence, en savoir.
On dit qu’il a régné l’espace de trois âges ;
Aussi crois-je, à le voir, que c’est un Immortel.
Nestor Néléidès, parle donc sans ambages ;
Du grand Agamemnon dis le trépas réel.
Que faisait Ménélas ? Par quelle fourberie
Put vaincre Égisthe ? Atride était bien plus vaillant.
Ménélas n’était-il dans Argos d’Achaïe ?
Son absence vint-elle à point pour l’assaillant ? »

L’écuyer Gérénin, Nestor, sur ce programme :
« Je le conterai tout, mon fils, exactement.
Tel que tu le prévois eut lieu l’événement.
Si le blond Ménélas, revenant de Pergame,
Eût trouvé cet Égisthe au palais implanté,
Son corps n’aurait reçu la terre des obsèques ;
Mais les chiens, les oiseaux l’auraient déchiqueté,