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Qu’on le lui confiât, quoi qu’il vînt objecter.
Son Télémaque seul l’incitait à le prendre.
Le patient Ulysse alors de l’accepter,
De le tendre aisément, d’enfiler toute hache ;
Puis il court vers le seuil, verse à terre les traits,
Nous mire d’un œil torve et frappe Antine exprès.
Ensuite, visant droit, sur les autres il lâche
Ses flèches de malheur, et ceux-ci tombent dru.
Certe un dieu soutenait le monarque et ses aides,
Car, se lançant partout, assénant des coups raides,
Ils ne font que tuer : c’est un tumulte accru
D’appels, de fronts craquants ; le sang rougit la lice.
Nous pérîmes ainsi, noble Atride, et nos corps
Gisent sans sépulture aux demeures d’Ulysse.
Nos amis personnels n’en ont rien su dehors ;
Chacun d’eux eût lavé nos sinistres blessures
El mené notre deuil : des défunts c’est la part. »

L’esprit d’Agamemnon en ces termes repart :
« Fortuné Laërtide, Ulysse aux mains si sûres !
Tu reconquis ta femme en ton mâle courroux.
Ô les beaux sentiments de la fille d’Icare !
Comme elle sut chérir son légitime époux !
Aussi n’oubliera-t-on cette vertu si rare.
De l’alme Pénélope à tout jamais les dieux
Feront chanter la gloire à la race terrestre.
Elle n’a pas forfait ainsi que Clytemnestre
Qui, tuant son mari, va d’un chant odieux
Contrister l’avenir et sur toute femelle
Déverser le mépris, n’agît-elle que bien. »

De ces spectres navrés tel était l’entretien