Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les trois l’entouraient. Or, vers eux s’achemine
L’esprit toujours en deuil d’Atride Agamemnon,
Accompagné de ceux qui sous le toit d’Égisthe
Roulèrent près de lui, marqués par Atropos.

L’âme du Péléion s’écrie à l’improviste :
« Atride, j’avais cru qu’entre tous les héros
Te choyait constamment Zeus, le fulminant Sire,
Parce que tu menais d’intrépides guerriers
Devant ces murs troyens pour nous si meurtriers.
Pourtant tu devais choir, renversé par la Mire
Que nul n’évite, hélas ! du moment qu’il naquit.
Ah ! mieux aurait valu qu’en ta gloire pléniére
Aux plaines d’Ilion le trépas te conquît !
L’ost des Panachéens eût élevé ta pierre,
Et ton lustre eût dès lors rehaussé ton enfant ;
Mais tu devais mourir d’une mort exécrable. »

L’ombre d’Agamemnon, à ces mots s’échauffant :
« Heureux fils de Pélée, Achille aux dieux semblable,
Mort sous Pergame, loin d’Argos ! de toutes parts
Tombait la fleur des Grecs, de la Troade entière.
Se disputant ton corps : toi, grand, sur la poussière
Tu gisais grandement, oublieux de tes chars.
Nous combattîmes tous jusqu’à la nuit, et même
Le combat n’eût cessé, sans Zeus et ses carreaux.
Mais lorsque, hors des chocs, le reçurent les naux,
On te mit sur ta couche, on baigna ton corps blême
D’eau tiède et de parfums ; les Grecs à tes côtés
S’arrachaient les cheveux, pleuraient à chaudes larmes.
Ta mère, à la nouvelle, avec ses déités
Accourut de la mer ; une clameur d’alarmes