Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/468

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« À ton gré s’ouvrira la chambre nuptiale,
Puisque le ciel clément t’a permis de revoir
Ton superbe palais, ta terre patriale.
Mais à propos, dis-moi, quel est ce grand devoir
Dont un dieu t’a chargé ? je dois un jour l’apprendre ;
Autant vaut, je le crois, m’en instruire à présent. »

L’ingénieux Ulysse ainsi de la reprendre :
« Folle, pourquoi vouloir que j’aille précisant ?
Soit ! je m’expliquerai d’une façon limpide ;
Mais ton cœur ni le mien n’en seront pas flattés.
Le devin m’a prescrit de courir les cités,
De parvenir muni d’une rame solide,
Jusqu’au terroir d’un peuple ignorant de la mer,
Qui n’avive de sel ses cuisines malsaines,
Et n’a point vu de nefs rougir l’espace amer,
Ni jouer d’avirons, ces ailes des carènes.
Voici le signe exact qui doit me gouverner :
Dès qu’un passant dira, me croisant solitaire,
Qu’à mon épaule brille une pelle à vanner,
Alors j’enfonce au sol ma rame d’insulaire,
J’offre en beau sacrifice au roi Poséidon
Un bélier, un bouvart, suivis d’un porc agreste ;
Puis, chez moi revenant, j’immole en ma maison
Mainte hécatombe aux dieux de la voûte céleste,
Sans en oublier un. Et doucement la Mort
Hors des mers me prendra, dénoûment fort tranquille
D’une longue vieillesse ; autour de mon asile
Les peuples floriront. C’est, m’a-t-il dit, mon sort. »

Immédiatement la reine magnanime :
« Si l’Olympe en retour t’accorde un doux vieillir,