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Si j’ai menti, fais-moi périr vilainement. »

À ce ton résolu, la reine très discrète :
« Chère, tu ne saurais, quel que soit ton esprit,
Pénétrer les desseins de la cour nectarine.
Mais marchons vers mon fils, afin que j’examine,
Avec les galants morts, l’homme qui les meurtrit. »

Pénélope, à ces mots, descend et délibère
S’il faut interroger de loin le pérégrin,
Ou lui baiser la joue et les mains à grand’erre.
Elle arrive au salon, passe le seuil marbrin,
S’assied devant Ulysse, aux lueurs de la flamme,
Près du mur opposé. Le preux contre un pilier
Siégeait, baissant les yeux, attendant que sa femme
Le reconnût, lui dit un mot particulier.
Ains la reine se tait, l’effroi glace son être :
Tantôt elle le mire en face longuement,
Tantôt, sous ses haillons, n’ose le reconnaître,
Télémaque à la fin s’écrie amèrement :
« Mère, méchante mère à l’âme impitoyable,
Pourquoi fuir mon auteur, au lieu de l’approcher
Afin d’en obtenir un récit profitable ?
Quelle autre aurait l’aplomb d’ainsi se détacher
De l’époux qui revient dans sa terre natale,
Après vingt ans d’absence et de rudes parcours ?
Mais toi, ton cœur sans cesse est plus dur qu’une dalle. »

La reine, avec douceur relevant ce discours :
« Mon fils, le cœur me manque au fond de la poitrine ;
Je ne peux ni parler, ni le questionner,
Ni le dévisager. Si, par faveur divine,