Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/450

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Que crânes fracassés : partout le sang ruisselle.

Liodès joint Ulysse et lui prend les genoux,
Lui darde en suppliant ces mots à tire-d’aile :
« Roi, je baise tes pieds ; sois-moi facile et doux.
Jamais dans ton castel je n’outrageai de femme,
Par actes ni discours ; bien plus, je m’efforçais
D’arrêter les Galants au cours de leurs excès.
Eux, ne m’écoutant pas, suivaient leur pente infâme.
Aussi ces criminels gisent-ils abattus.
Et je mourrais comme eux, moi, leur simple aruspice ?
Quel loyer désormais pour les saintes vertus ! »

Le mirant courroucé, l’ingénieux Ulysse :
« Puisque ainsi d’oblateur à ces gens tu servis,
Tu dois avoir souvent prié dans ma demeure,
Pour que du gai retour onc je ne visse l’heure,
Et pour que ma moitié t’enfantât plusieurs fils.
Or donc au noir trépas tu ne peux te soustraire. »

Sur ces mots, il saisit de sa robuste main
Le glaive qu’Agélas a laissé choir à terre,
En mourant ; dans son col il l’enfonce soudain.
Liodès parle encor qu’au loin sa tête roule.

Mais Phème Terpiade échappait anxieux,
Lui, le chantre forcé de la gourmande foule.
Il restait, étreignant son luth harmonieux,
Auprès de la poterne, et, là, cherchait inerte
S’il valait mieux sortir pour s’asseoir à l’autel
Du grand Zeus Hercéen, dont Ulysse et Laërte
Parfumaient tant jadis le granit solennel,