Antinoüs ; c’est lui qui se fit notre guide,
Bien moins pour s’assurer un hymen savoureux
Que pour une autre fin dont l’a frustré Kronide.
Il voulait sur Ithaque, au peuple vigoureux,
Régner seul, et tuer ton enfant par avance.
Ore il meurt justement, épargne tes sujets.
Humbles nous te paierons, collectant mille objets,
Tout ce que l’on a bu, mangé de ta chevance.
Chacun t’apportera la valeur de vingt bœufs
En airain, comme en or, jusqu’à ce que s’apaise
Ta rancœur : on comprend que tu fusses nerveux. »
Le roi, lui décochant une œillade mauvaise :
« Eurymaque, j’aurais tous vos biens paternels,
Et vos propres trésors, et tout autre apanage,
Que je ne suspendrais l’implacable carnage,
Avant d’avoir puni ce tas de criminels.
Votre unique ressource est de combattre en face,
Ou de fuir, si l’on veut se soustraire au trépas.
Mais nul n’évitera son destin, quoi qu’il fasse. »
Leurs genoux de trembler alors comme leurs bras.
Eurymaque repart, tâchant de les remettre :
« Amis, cet indompté n’arrêtera ses coups ;
Maintenant qu’il a pris l’arc courbe et la pharètre,
Depuis le seuil luisant il nous flèchera tous,
Jusqu’au dernier. Sus donc ! au combat qu’on se porte.
Dégainez votre airain, à ses dards acérés
Opposons les tréteaux ; fondons à rang serrés
Sur lui, pour l’écarter du seuil et de la porte,
Nous sauver dans la ville, appeler du renfort.
Et son arc aura fait son ultime prouesse. »
Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/441
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