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CHANT XXII

MASSACRE DES PRÉTENDANTS

Cependant le grand roi dépouille ses haillons
Et bondit vers le seuil, tenant l’arc, puis l’archière.
Il répand à ses pieds la masse meurtrière
Des dards qu’elle renferme, et crie aux princillons :
« Le voici terminé, ce léger exercice !
Je vise un autre but que nul ne tenterait ;
Voyons si je l’atteins, si Phœbus m’est propice. »

Contre Antine, à ces mots, il lance un rude trait.
Ce prince allait humer une coupe à deux anses,
Superbe, d’or massif ; pour boire le bon vin
En l’air il l’élevait, sans songer aux licences
De la Mort. Qui jamais eût dit qu’en ce festin
Un seul homme, entre cent, si brave qu’il pût être,
L’aurait soudain plongé dans l’infernal État ?
La flèche odysséenne en sa gorge pénètre
Et traverse les chairs de son cou délicat.
Il tombe de côté, la coupe délectable
Quitte ses doigts ; bientôt de sa bouche un sang noir
Jaillit à flots épais ; son pied frappe la table
Qui du coup se renverse, et tous les mets de choir.