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A pesé, visité son arc prodigieux.
Soudain, comme un aède expert à la cithare,
Au moyen d’une clef, de sa corde s’empare
Et raidit aisément le boyau précieux,
Ulysse sans efforts bande l’arme cruelle.
De sa dextre il a pris le nerf pour l’essayer,
Et le beau son qu’il rend semble un cri d’hirondelle.
Les Amants réunis vite de s’effrayer,
De changer de couleur. Zeus tonne, avis notable ;
Le patient Ulysse en lui-même bénit
L’annonce qu’à propos Kronide lui fournit.
Il empoigne un dard nu, placé près de sa table ;
Les autres sont restés dans le vaste carquois,
Et les Grecs tout à l’heure en sentiront l’approche.
Tenant l’arc à plein poing, il tire nerf et coche,
Sans bouger de son siège, et lance, l’œil narquois,
Le long trait. Il ne manque aucun trou des bipennes,
Du premier au dernier ; mais sa flèche d’airain
Franchit tout. À son fils alors, avec entrain :
« Ton hôte n’a voulu te susciter des peines,
Ô Télémaque ! il a courbé l’arc sans rater
Et donné dans le but. Ma force existe entière ;
Donc ces fiers Prétendants ont tort de m’insulter.
Mais, tandis qu’il fait jour, préparons la matière
Du souper, puis songeons à nous bien divertir
Par le chant et la lyre, ornements d’une fête. »

Il dit, meut les sourcils ; de sa lame parfaite
Son cher fils aussitôt a soin de se nantir.
Ensuite il prend sa lance, et, relevant la tête,
Près du banc paternel il la fait retentir.