Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/429

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Ne surgisse un témoin qui s’en irait nous vendre.
Rentrons donc un par un, et non tous à la fois ;
Moi d’abord, vous après. Mais il faut nous entendre.
Nul ne voudra permettre, en ce milieu grivois,
Qu’on m’abandonne l’arc et les flèches guerrières.
Or toi, divin Eumée, emporte l’instrument
Et mets-le dans mes mains ; puis, dis aux chambrières
De clore l’huis épais de leur département.
Si quelqu’une perçoit des cris et du tapage
Dans la salle des chefs, qu’elle ne sorte pas,
Mais demeure en silence auprès de son ouvrage.
Quant à toi, cher Philète, à clef tu fermeras
Les portes de la cour, et les lieras d’un câble. »

Cela dit, il retourne au pompeux bâtiment
Et de nouveau s’assied sur son rugueux érable.
Ses deux bons serviteurs rentrent subséquemment.

Eurymaque déjà maniait l’arc rebelle,
Au feu le tournaillant, sans pouvoir même ainsi
Le tendre ; il gémissait dans son cœur endurci.
À la fin il s’exclame, en geignant de plus belle :
« Grands dieux ! pour moi, pour vous, quelle calamité !
L’hymen me touche moins, quoique je le regrette ;
Il existe en effet plus d’une femme prête
Dans la marine Ithaque ou telle autre cité.
Mais je rage de voir que nous n’avons la force
Du divin Ulyssès, puisqu’on ne peut dompter
Son arc ; à notre honneur nous donnons une entorse. »

Antine, fils d’Eupithe, alors de riposter :
« Frère, cela n’est point, tu le sais bien toi-même.