Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/425

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Tentez de courber l’arc, qu’on sache le gagnant.
Je vais d’abord moi-même essayer de le tendre ;
Si je puis le bander et traverser le but,
Je n’aurai pas l’ennui qu’une mère aussi tendre
Parte, suive un autre homme, en laissant au rebut
Un fils déjà très apte aux fiers jeux de son père. »

Il dit ; et, bondissant, rejette son manteau
De pourpre, et se déceint de sa fine rapière.
Alors, creusant des trous sur le même niveau,
Il y met chaque hache, au cordeau les aligne,
Tasse la terre autour. Et chacun d’admirer
Comment du premier coup il montre un art insigne.
L’enfant retourne au seuil et s’apprête à tirer.
Trois fois il étreint l’arc pour fléchir sa courbure,
Et trois fois l’arc résiste, et cependant il veut
Le bander, puis d’un trait franchir toute échancrure.
Pour un dernier effort, près de vaincre, il se meut,
Quand Ulysse, d’un signe, enchaîne sa vaillance.
Le divin Télémaque, en cédant à regret :
« Dieux ! je serai toujours atteint de défaillance ;
Ou bien je suis trop jeune, et mon bras ne saurait
Repousser d’un gredin l’insolence gratuite.
Vous donc, qui possédez des nerfs plus vigoureux,
Essayez l’arc puissant, et terminons de suite. »

À ces mots, il dépose à terre l’arc du preux
Contre l’un des battants des portes bien jointives ;
Puis, sur le bel anneau son dard aigu penché,
Il retourne au fauteuil dont il s’est arraché.

Alors Antinous, fils d’Eupithe, aux convives :