Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Des chefs audacieux, afin que, renflammé,
Ne décolère pas Ulysse Laërtide.
Parmi les Prétendants se trouvait un perfide :
Ctésippe était son nom ; il habitait Samé.
Se fiant aux effets de sa fortune immense,
Il briguait la moitié de l’éternel absent.
Le premier à parler, sur ce ton il commence :
« Oyez, nobles seigneurs, ce que je vais pensant.
L’étranger, comme il sied, a reçu part égale
À la nôtre ; on ne peut décemment oublier
Les gens qu’en sa maison Télémaque régale.
Çà, qu’aussi je lui fasse un don hospitalier,
Pour qu’il donne un pourboire au baigneur émérite,
Soit à l’un des valets d’Ulysse le divin. »

Cela dit, d’un bras ferme il lance un pied bovin
Qu’il a pris d’un panier ; mais Ulysse l’évite,
En inclinant le front, et sardoniquement
Rit en lui-même : au mur le projectile frappe.

Télémaque semond Ctésippe vertement :
« Ctésippe, à quelque accroc ta propre vie échappe.
Tu n’as pas atteint l’hôte, il a trompé ton coup.
Autrement de mon fer je t’ouvrais les entrailles,
Et ton père aurait vu tourner en funérailles
Ton hymen. Que nul donc chez moi n’agisse en loup
Furieux ; car déjà je comprends toute chose,
Le bien comme le mal, n’étant plus un bambin.
Pourtant nous consentons à voir, tableau morose,
Nos brebis s’immoler, nos blés et notre vin
S’enfuir ; un homme seul ne maîtrise une foule.
Mais ne m’accablez plus, cessez d’être outrageux.