Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/409

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Une seule veillait, se trouvant la plus frêle ;
Elle arrête sa meule et dit, charmant son roi :
« Ô Zeus, père des dieux et de la gent mortelle,
Ta foudre a retenti dans un ciel étoilé,
Complètement serein ; pour quelqu’un c’est un signe.
Accomplis maintenant le souhait d’une indigne.
Que tous les Poursuiveurs, en ce jour signalé,
Mangent leur dernier pain au râtelier d’Ulysse,
Eux qui cruellement me brisent les genoux
À moudre la farine ; oui, meure leur milice ! »

Le preux se réjouit de ce naïf courroux
Et du carreau de Zeus : il vaincra chaque infâme.
Les serves à l’instant peuplent les beaux parvis ;
Leur phalange aux brasiers souffle une ardente flamme.
Télémaque se lève et revêt ses habits ;
D’un air céleste, il ceint sa rapière affilée,
Attache à ses pieds blancs de riches brodequins,
Saisit un dard forgé par d’habiles vulcains,
Et, debout sur le seuil, interpelle Euryclée :
« Chère nourrice, as-tu d’un lit et d’un repas
Honoré l’étranger ? ou gît-il à distance ?
Car ma mère est ainsi, malgré sa compétence ;
De deux solliciteurs, toujours c’est le plus bas
Qu’elle accueille, laissant trimer le plus honnête. »

La prudente Euryclée alors de repartir :
« Fils, ne l’accuse point, sa conscience est nette.
Ton homme, près de l’âtre, a bu sans ralentir,
Mais n’a voulu manger ; il l’a dit à ta mère.
Sitôt que le sommeil de lui s’est emparé,
Pénélope a prescrit qu’un lit fût préparé.