Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/394

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Sans se déconcerter, l’adroit porte-haillons :
« Tous ceux qui nous ont vus, respectable nourrice,
Assurent volontiers que nous nous ressemblons
Beaucoup, comme tu viens d’en faire la remarque. »

Il dit ; la vieille alors prend le bassin cuivré
Servant aux bains de jambe, y verse par degré
L’eau froide, et puis enfin l’eau chaude. Or le monarque
S’assoit près du foyer, en un recoin discret,
De peur qu’Eurycléa, du passé bien instruite,
Découvre sa blessure et livre son secret.
Elle, approchant du preux, le baigne, et voit de suite
L’entaille que lui fit la dent du sanglier
Qu’au Parnèse il chassa, joint aux fils d’Autolyque,
Son aïeul maternel, homme vraiment unique
Pour la ruse et le vol, par un don péculier
D’Hermès. Ce dieu, flatté de sa dîme odoreuse
De cabris et d’agneaux, l’appuyait constamment.
Autolyque, venu dans l’Ithaque ubéreuse,
De sa fille trouva le fils né récemment.
Sur ses genoux bénis, tout au sortir de table,
Eurycléa le pose, et dit au même instant :
« Maintenant, Autolyque, invente un nom portable
Pour ce cher rejeton que tu désirais tant. »

À ce tendre propos, le sensible grand-père :
« Mon gendre, et toi, ma fille, apprenez ce nom-là :
Quand je vins en ces lieux, contre toute la terre,
Mortelles et mortels, ma poitrine ulula.
Donc qu’il se nomme Ulysse. En sa prime jeunesse,
Au Parnèse il viendra, sous le toit spacieux
De son aïeule, où gît mon énorme richesse :