Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/388

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Douze soleils resta ce contingent divin.
Borée enflait son souffle, et, par un maléfice,
Même à terre empêchait qu’on pût tenir debout.
Enfin le vent se tut, ils larguèrent leurs câbles. »

Ulysse forge ainsi des contes vraisemblables.
Elle, en pleurant, écoute, et sa force est à bout.
Comme, aux pics sourcilleux, la neige, accumulée
Par le Zéphyr, se fond à l’haleine d’Eurus,
Et va grossir le fleuve arrosant la vallée ;
De même en longs ruisseaux coulent ses pleurs accrus,
Au sujet d’un époux assis près d’elle. Ulysse
Déplore dans son cœur ce deuil uxorien ;
Mais ses yeux restent froids, tels que fer ou silice,
Sous leurs paupières ; secs, ils ne trahissent rien.

Rassasiée enfin de soupirs et de larmes,
Pénélope poursuit le colloque entraînant :
« Étranger, je m’en vais éprouver maintenant
Si vraiment mon Ulysse, avec ses frères d’armes,
Logea dans ton palais, comme tu le dépeins.
Dis-moi quels vêtements composaient sa tenue,
Quelle mine il avait, quels étaient ses compains. »

L’ingénieux guerrier, d’une voix ingénue :
« Femme, il est difficile, après un si long temps,
D’entrer dans ces détails ; car notre connaissance,
Son départ de là-bas remontent à vingt ans.
Néanmoins je dirai ce dont j’ai souvenance.
Le divin roi portait un grand manteau pourpré,
Épais et retenu par une double agrappe
D’or massif. On voyait brodé sur cette cape