Quand même ils voudraient voir l’Aurore au trône d’or,
Ils ne me vaincront pas ; ma constance est plénière. »
Les folles, se lorgnant, rirent d’un même essor.
La rose Mélantho le cribla de sottises.
Fille de Dolius, la reine l’élevait
Comme sa propre enfant, faible à ses convoitises.
Elle, insensible au deuil que sa dame éprouvait,
D’amour s’était liée au brillant Eurymaque.
Donc elle l’entreprit, d’un verbe fanfaron :
« Misérable étranger, ton cerveau se détraque.
Au lieu d’aller dormir chez quelque forgeron,
Ou dans quelque parloir, faut-il qu’ici tu restes
À pérorer devant ces preux ? Tu ne crains rien
Dans ton cœur. Le vin pur t’ôte le sens, ou bien
C’est ton état normal ; fous sont tes faits et gestes.
Es-tu si fier du crac d’Irus le vagabond ?
Garde qu’un plus vaillant contre toi ne se lève,
Et, te fendant le crâne, en sa robuste sève,
Du palais ne te chasse à moitié moribond. »
La mirant de travers, l’ingénieux Ulysse :
« Je vais à Télémaque, ô chienne, tout conter,
Afin que par morceaux sa main te démolisse. »
Il dit ; et sur-le-champ toutes de trembloter,
De fuir à travers cours ; leurs genoux d’épouvante
Fléchissaient ; le danger leur semblait imminent.
Pour Ulysse, il resta, soignant la flamme ardente,
L’œil fixé sur les chefs ; son courroux permanent
Ruminait des desseins dont l’éclat fut rapide.
Page:Homère - Odyssée, traduction Séguier, Didot, 1896.djvu/374
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