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Toutefois les valets l’amenèrent troussé,
Et renâclant ; sa chair frissonnait flasque et blême.
Antinoüs outré le tança rudement :
« Bravache, pourquoi vivre et pourquoi naître même,
Puisque tu crains si fort, si démesurément,
Un homme décrépit que le malheur empire ?
Mais je te le déclare et l’exécuterai :
Si l’ancien te culbute, est ton maître avéré,
Sur un bateau poisseux je t’envoie en Épire,
Au despote Échétus, ce fléau des mortels,
Pour qu’il te coupe à froid le nez et chaque oreille,
Et, tout crus, livre aux chiens tes organes charnels. »
D’Irus grandit alors la terreur sans pareille.
Au centre il fut conduit ; tous deux murent leurs bras.
Or l’endurant guerrier consulta dans son âme
S’il devait sur-le-champ occire cet infâme,
Ou, le tapant moins dur, ne le jeter qu’à bas.
Taper doux lui parut une manœuvre adroite,
Pour que le peuple grec ne le reconnût point.
Leurs bras lancés, Irus cogna l’épaule droite
Du roi qui de son col, et sous l’oreille, à point
Brisa les os ; le sang jaillit noir de sa bouche.
Il croula dans la poudre et cracha mainte dent,
Des pieds ballant le sol ; les chefs de noble souche
Riaient et se tordaient. Ulysse, cependant,
Le traîna par la jambe, à travers le portique
Et la cour, jusqu’au porche, au mur extérieur
L’assit et l’appuya, puis, l’armant d’une trique,
Lui décocha bien haut ce trait supérieur :
« Reste-là pour chasser et les chiens et les truies,
Et ne régente plus ni pauvres ni forains,
Si tu ne veux, paillard, des leçons plus nourries. »