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De plus qu’à notre table il siège incessamment,
Et que tout autre gueux, par contre, on le refuse. »

Antine ainsi parla ; son dire fut prisé.
Mais aussitôt Ulysse, inventant une ruse :
« Amis, il ne convient qu’un vieillard épuisé
Combatte un gros garçon ; mais la faim malfaisante
Me pousse à recevoir des coups aveuglément.
Eh bien ! jurez-moi tous par un grave serment
Qu’ici nul n’étendra sur moi sa main pesante,
Pour seconder Irus, le rendre mon vainqueur. »

Il dit ; tous de jurer, et d’après sa formule.
Dès qu’on eut terminé ce juste préambule,
Télémaque ajouta dans sa sainte vigueur :
« Forain, puisque tu veux, piqué d’amers outrages,
Punir ce vagabond, ne redoute aucun Grec.
À qui te frapperait plusieurs feraient échec.
C’est moi qui suis ton hôte, et ces deux rois très sages,
Antine, Eurymachus, m’approuvent pleinement. »

L’assemblée applaudit. Ulysse autour de l’aine
Ramena ses haillons, et montra nettement
Ses robustes fémurs, sa poitrine bien saine,
Son dos, ses bras nerveux. L’assistant à dessein,
Pallas développait le corps du pasteur d’hommes.
Ce changement surprit les brillants gastronomes,
Et chacun, en guignant, de dire à son voisin :
« Irus sera bientôt une Iris peu brillante ;
Quelle cuisse a le vieux sous son habit percé ! »

Ils jasaient, et d’Irus l’âme était défaillante.